Plaidoyer pour HPI

Avec l’arrivée de la 3ème saison de la désormais fameuse série policière HPI, qui a déjà réuni jusqu’à 10 millions de téléspectateurs, j’avais envie de donner mon avis sur cette création grand public. J’épluche bien les films sur le sujet, pourquoi éluder une série qui annonce la couleur jusque dans son titre et qui s’exporte désormais dans toute l’Europe et bientôt aux USA !

Une affiche volontairement décalée ? En tout cas, dans l’esprit de la série… (c) Thomas Braut – TF1

Avec HPI, on a bien entendu affaire à une création française (comprendre par-là, dont on sait que la qualité a rarement atteint celle des productions anglo-saxonnes), grand public, familiale, diffusée en prime time sur la première chaîne française… Alors, on fermera volontiers les yeux sur les failles et les limites dans la réalisation pour mieux se réjouir d’une écriture plutôt rafraichissante comme d’idées de mise en scène originales et bien senties. Le tout prend pleinement son envol dans la deuxième saison et j’admets que certaines séquences m’ont fait hurler rire. Mais ne nous étalons pas sur les aspects filmiques pour mieux se focaliser sur ce qui nous intéresse.

 

L’arrivée de la série en 2021 a logiquement ouvert sur un débat dans le microcosme du haut-potentiel. A bien y regarder, il s’agit toujours du même : le HP, indicateur de capacités cognitives qui ne dit rien d’autre de vous ou profil de personnalité à part ? Le débat a aussi porté sur la crédibilité du personnage et la façon dont la série traite du sujet. Morgane Alvaro serait si caricaturale qu’elle viendrait jeter un discrédit sur ce que sont les vrais HPI. Bien-sûr, délicat de voir le haut-potentiel traité comme un phénomène de foire. Mais selon certains détracteurs, les auteurs seraient même en dehors des clous et surferaient sur une mode qui amènerait à trouver du HPI partout, surtout là où il n’y en a pas…

 

Capacités ou personnalité ?

 

A mon humble avis, les auteurs n’ont pas choisi ce profil par hasard. Le personnage atypique incarné par Audrey Fleurot me semble même creusé à plusieurs égards. Bien sûr, Morgane Alvaro n’existe qu’à l’écran, comme Jack Bauer, Steve Austin, Navarro… C’est le principe de tout héros de fiction. Ses traits doivent être assez prononcés pour être remarquables, sans non plus être. Il doit avoir des atouts, des super-pouvoirs, mais aussi ses failles. En tout cas, tout porte à penser que les auteurs n’ont pas juste survolé les best-sellers sur le sujet. Je pose même l’hypothèse qu’une ou des personnes existantes les ont inspirés !

 

Remercions-les déjà d’avoir choisi un héros féminin, plutôt qu’un matheux binoclard comme ce fût le cas dans la série pour teenages « Opération Mozart » de la fin des années 80  (l’histoire d’un petit génie des maths que des puissances étrangères tentent d’attirer dans leurs filets). Oui, le haut-potentiel concerne autant les hommes que les femmes (ces dernières passant plus souvent sous les radars), et même potentiellement… une femme de ménage !

 

C’est la première révélation d’une longue série qui pourrait permettre au commun des mortels de peut-être mieux appréhender le sujet. Et de changer de regard sur la question ? Morgane Alvaro rappelle malgré elle qu’il y a autant de formes de HP que de personnes concernées, avec des traductions très disparates, qu’il ou elle soit ingénieur·e, artiste, sportif·ve, touche-à-tout, clochard·e ou « comme tout le monde ». Juste branché·e sur 380 Volts. Ou passée dans l’amplificateur

Audrey Fleurot (Morgane Alvaro) et Mehdi Nebbou (c) Philippe Leroux / Septembre Productions.

Morgane de toi

 

Avec son QI de 160, Morgane la THPI (pour « Très Haut Potentiel » – soit le HPI des HPI, avec le décalage et le risque d’inadaptation qui vont avec, et voyant qu’on pourrait même parler de… TTHPI !) a des capacités d’observation et de mémorisation hors-normes. Elle est capable de faire des liens improbables et de recourir à des savoirs aussi inutiles que variés issus des documentaires qu’elle ingère la nuit quand elle n’arrive pas à dormir, si ce n’est la lecture du dos du paquet de céréales du petit-déjeuner.

 

« Incontrôlable », rétive à l’autorité et à la hiérarchie (rappelons que le zèbre est le seul équidé qui n’a jamais pu être domestiqué…), la voir travailler pour la police fait l’essence de la série. Car si ses capacités permettent de solutionner les enquêtes, ses collègues normo-pensants (et agents de la paix avant tout) prennent sur eux pour tolérer cette grande rouquine « Impulsive » et (trop ?) pleine de vie, voire « Perchée » pour qui ne peut pas envisager l’influx qui traverse ses circonvolutions.

« Cette femme est too much… »

 

Comme l’annonce d’emblée le générique, Morgane est tant « Hyperactive » que « Hors-cadre », « Perspicace » mais « Pénible », « Intrépide » mais aussi « Intenable ». Pipelette, rieuse, sans-le-sou, émotive, tête en l’air, ne cachant pas sa phobie administrative, cette mère de 3 enfants, haute (en talons et) en couleurs (pour ses tenues) épuise son monde. Elle craque aussi logiquement par moments…

 

La série se fait alors touchante. Quand on passe du comique à la gravité en un mouvement de caméra, et que les évènements prennent une tournure qui vient vous toucher au coeur. Par exemple, lorsque son collègue Gilles tente d’adopter son rythme de pensée, en perd le sommeil et finit par lâcher à Morgane « c’est une malédiction votre truc ! ». Ou quand le commandant Karadec lui lance « qu’elle se sabote très bien toute seule », tant Morgane est incapable de composer avec certaines réalités, à commencer par la rigueur de l’administration policière !

 

A bien y regarder, l’intérêt de la série ne repose pas tant dans les enquêtes (pourtant léchées) et leur résolution, que l’esprit très HP qui plane sur l’ensemble. Il y a ce besoin de résoudre des énigmes, un désordre ambiant, informations qui fusent et vont jusqu’à s’incruster dans l’écran, un humour de BD et des moments d’émotion étonnamment juste… Le tout donne un résultat qui parle finalement plus au cœur qu’à l’intellect, ce qui explique sûrement son succès. Et peut-être pas qu’auprès des normopensants…

 

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